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Lettre ouverte pour le banissement total, définitif et inconditionnel du styrofoam en Haïti

jeudi 3 mai 2018

Lettre ouverte
Du Groupe d’Action Francophone pour l’Environnement (GAFE)
et de la Coordination Alternatiba Haïti

POUR LE BANNISSEMENT TOTAL, DÉFINITIF ET INCONDITIONNEL
DES CONTENANTS ALIMENTAIRES À USAGE UNIQUE EN POLYSTYRÈNE (STYROFOAM) EN HAÏTI
Pour la dignité et l’exemple

Monsieur le Président de la République d’Haïti,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres et Secrétaires d’Etat,
Monsieur le Directeur Général des douanes,
Monsieur le Directeur Général de l’Autorité Portuaire Nationale,
Monsieur le Directeur de la Direction Centrale de la Police Judiciaire,
Monsieur le Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti,
Monsieur le Commissaire du Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Député-es,
Mesdames et Messieurs les Sénatrices et Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Délégué-es départementaux,
Mesdames et Messieurs les Délégué-es de ville,
Mesdames et Messieurs les Maires,
Mesdames et Messieurs les CASEC et ASEC,

Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Partenaires Techniques et Financiers,
Mesdames et Messieurs les Responsables d’Organisations Non Gouvernementales internationales et nationales,
Mesdames et Messieurs les Responsables d’Associations,
Mesdames et Messieurs les Propriétaires et Gérant-es de restaurants et de services de restauration rapide,
Mesdames et Messieurs les Propriétaires et Gérant-es d’établissements hôteliers,
Mesdames et Messieurs les Propriétaires et Gérant-es de compagnies de transfert par bus,
Mesdames et Messieurs les Propriétaires et Gérant-es de commerces et de supermarchés,
Mesdames et Messieurs les Dirigeant-es d’entreprises d’import-export,
Mesdames et Messieurs les Dirigeant-es d’entreprises industrielles,

Mesdames et Messieurs les Directeurs-trices d’établissements scolaires,
Mesdames et Messieurs les Directeurs-trices d’établissements de formation,
Mesdames et Messieurs les Dirigeant-es d’églises,

Mesdames et Messieurs les citoyen-nes,

De quoi parle t-on ?
Le styrofoam est une marque déposée par la compagnie américaine « The Dow Chemical Company ». Le produit qui le compose est le polystyrène.

Le constat
Il est hygiénique, il est pratique, il est léger, il est très bon marché (à l’achat). Petite assiette à dessert, grand format, assiette à soupe, bol, grand gobelet, petit gobelet à café, boîte à repas ; il est incontournable.
En Haïti, on le trouve partout, dans les établissements publics, dans les agences de coopération, dans les organisations non gouvernementales, dans les Ambassades, dans les entreprises, dans les restaurants, dans les commerces de rue, dans la rue, dans les arbres, dans les ravines, dans les canaux d’irrigation, dans les palétuviers, dans la mer, dans les poissons.
On l’appelle bwat manje, asyèt katon, anbwate, fòm, foam ou styrofoam.

Un arrêté de plus qui n’arrête rien…
L’arrêté ministériel du 10 juillet 2013 « interdit la production, l’importation, la commercialisation et l’utilisation, sous quelque format que ce soit, des sacs en polyéthylène et des intrants et objets en polystyrène expansé (PSE ou PS cristal ou styrofoam) à usage alimentaire unique, tels que plateaux, barquettes, bouteilles, sachets, gobelets et assiettes ».
Le dernier communiqué conjoint en date du 29 janvier 2018 prévoit le déploiement de brigades spécialisées sur l’ensemble du territoire pour veiller à la stricte application des dispositions dudit arrêté.
Concrètement, le polystyrène est en parfaite libre circulation sur l’ensemble du territoire haïtien et au-delà.

Le polystyrène : un enjeu majeur de santé publique
Comme tous les plastiques, le polystyrène est un produit pétrochimique ; il provient du pétrole. Il est composé de benzène et de styrène. L’Agence de Protection Environnementale (EPA) des États-Unis et le Centre international de recherche sur le cancer ont classé le styrène comme un possible cancérogène humain .
Le benzène et le styrène auraient des incidences sur la Maladie de Parkinson et la leucémie .
Une exposition prolongée et intense au styrène se traduit par des troubles du système nerveux tels que les changements dans la vision des couleurs, de la fatigue, une sensation d’ébriété, un temps de réaction ralenti, des problèmes de concentration ou des problèmes d’équilibre.
La combustion du polystyrène libère du monoxyde de carbone et des monomères de styrène dans l’environnement, ce qui peut être extrêmement dangereux pour la santé .
Les aliments et liquides chauds provoquent une dégradation partielle de la mousse de polystyrène, ce qui entraîne l’absorption de certaines toxines dans le sang et les tissus .
Dans les aliments emballés auxquels on ajoute de la chaleur (comme la température des micro-ondes), la vitamine A se décompose et produit du m-xylène, du toluène et du 2,6-diméthylnaphtalène. Le toluène dissout agressivement le polystyrène. Le polystyrène n’est donc pas un emballage approprié pour les produits contenant de la vitamine A (ex : fruits frais) ou les produits micro-ondes qui en contiennent.
Jetés et amassés dans l’environnement, les contenants en polystyrène sont des niches de prolifération de nuisibles et de formidables vecteurs de contamination en tout genre, d’autant qu’apparaissent des comportements à risque pour la santé publique : sur les places publiques et dans certains quartiers populaires des personnes défèquent dans les boites en styrofoam.

Le polystyrène : un impact environnemental avéré

Contribution au réchauffement climatique
L’industrie du polystyrène est le deuxième producteur mondial de gaz à effet de serre en raison de l’utilisation du pétrole comme matière première, selon le California Integrated Waste Management Board . Pour 1 000 kg de résine de polystyrène produite, 3 242 kg d’équivalent CO2 sont émis .
Par ailleurs, le processus de fabrication du polystyrène pollue l’air et crée de grandes quantités de liquides et de déchets toxiques.
Comme tous les polymères basés sur une chaîne d’hydrocarbures, le polystyrène est classé comme non biodégradable à un horizon séculaire.

Le polystyrène est recyclable, mais il n’est presque jamais recyclé
Le polystyrène présente un faible taux de récupération et de recyclage. En Haïti 0% des contenants alimentaires en polystyrène ne sont ni récupérés ni recyclés.
Selon une étude de l’Université Harvard sur le polystyrène expansé, le recyclage de ce matériau est un cercle vicieux, car lorsqu’il est incorporé dans d’autres produits - qu’ils soient en polystyrène ou en plastique - ce seront quand même de futurs polluants.

Le polystyrène, vecteur de pollution des eaux
Le polystyrène expansé est le principal polluant des océans, des baies et autres sources d’eau. Le polystyrène cause l’étouffement et la famine chez les animaux sauvages dont les animaux marins.

Le polystyrène, un danger pour la biodiversité et les écosystèmes
Le polystyrène prendrait 500 ans pour se décomposer. Dans le milieu marin, devenu plus petit, le plastique constitue une grave menace pour la biodiversité : il peut ainsi être ingéré par les poissons, oiseaux et autres organismes marins, provocant blessures et étouffements. Sans compter que ces déchets génèrent des substances toxiques dans les océans et peuvent créer un déséquilibre des écosystèmes.

Le polystyrène : un impact économique
Alors qu’Haïti s’affiche comme une destination touristique, la pollution visuelle générée par les ustensiles en polystyrène a indéniablement un impact négatif sur le développement à long terme de ce secteur économique exigeant. De plus, par temps venteux, les déchets flottants au large sont ramenés vers le littoral, ce qui n’incite ni à la flânerie ni à la baignade, ni à la contemplation.
Plus globalement l’image d’Haïti à l’extérieur est ternie par ces amoncellements infâmes de déchets ; ce qui n’incite pas à l’investissement.
Au niveau agricole, les producteurs mesurent l’impact négatif des fragments de polystyrène sur la productivité des terres. Les animaux d’élevage ingèrent des particules de polystyrène quand ils « pâturent » dans les ravines. Une étude sanitaire poussée mériterait d’être menée pour mesurer le degré de contamination des tissus destinés à la consommation humaine.
La mousse de polystyrène n’est pas aussi bon marché qu’il n’y paraît. En fait, le coût réel de l’usage de ces articles à usage unique est stupéfiant ; si l’on tient compte des coûts de nettoyage, des émissions de carbone, des coûts environnementaux et des effets potentiels sur la santé .
Enfin, le polystyrène alimente les circuits de contrebande.

Le styrofoam : un enjeu géopolitique sous-estimé
Le polystyrène d’Haïti alimente le septième continent de plastique
Puisqu’il n’est ni récupéré, ni recyclé, le polystyrène utilisé en Haïti se retrouve dans les mers et océans. Jusqu’alors, les débris flottants étaient détruits par les micro-organismes, mais cela n’est plus le cas avec l’arrivée des plastiques, essentiellement du polyéthylène, du polypropylène et du PET, qui constituent 90 % des déchets maritimes. Or, ces quantités ne cessent d’augmenter. On estime que 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année dans le monde, dont près de 10 % finissent dans les océans.

Conflit de voisinage
Certains pays de la Caraïbes, qui misent leur économie sur l’image de plages de rêve, voient d’un très mauvais œil leur pollution par l’échouage des déchets des pays voisins dont Haïti. Il est tout à fait envisageable qu’Haïti soit appelée à rendre des comptes et à assumer des mesures compensatoires.

Le polystyrène : un vecteur d’injustice sociale
Les consommateurs de contenants en polystyrène ne sont bien trop souvent pas les victimes directes de la pollution. En effet, avec les eaux de ruissellement, ces boites si légères descendent ravines et rivières et s’amoncellent en aval. Cité-Soleil et d’autres communes côtières sont particulièrement concernées par des amas immondes de polystyrène et autres déchets non biodégradables en tout genre.
Il existe un autre niveau d’injuste social entre ceux qui font de très gros profits à commercialiser les contenants en polystyrène et ceux qui en subissent les effets à l’autre bout du circuit.

Le polystyrène : une question de dignité humaine
Il est indécent et crapuleux d’importer, de commercialiser, d’utiliser et de tolérer les contenants alimentaires à usage unique comme le polystyrène dans un pays comme Haïti où la corruption prive ses habitant-es d’une vie décente dans un environnement sain.

Le styrofoam n’est pas une fatalité
De nombreux territoires bannissement le styrofoam
Pays/Etats qui ont officiellement interdit le styrofoam (partiellement ou complètement) : Antigua et Barbuda , Guyana, état indien du Karnataka , Saint-Vincent et les Grenadines , Zimbabwe , Jamaïque
Pays et états des USA envisageant l’interdiction (par État) : California (San Luis Obispo, State of California), Hawaii (Honolulu), Illinois (Chicago), Massachusetts (Boston, Northampton), Pennsylvania (Philadelphia), Colombie
Villes et comtés des USA qui ont officiellement interdit le styrofoam (partiellement ou complètement) : District of Columbia (Washington), Florida (Bal Harbour, Bay Harbor Islands, Key Biscayne, Miami Beach, North Bay Village, Surfside), Maine (Freeport, Portland), Maryland (Montgomery County), Massachusetts (Amherst, Brookline, Great Barrington, City of Nantucket, County of Nantucket, Pittsfield, Somerville, Williamstown), Minnesota (Minneapolis), New Jersey (Rahway), New York (Albany County, Glen Cove, New York, Suffolk County), Oregon (Ashland, Eugene, Medford, Portland), Texas (San Marcos), Washington (Issaquah, San Juan County, Seattle), California (Alameda, Albany City, Aliso Viejo, Belmont, Berkeley, Burlingame, Calabasas, Capitola, Carmel, Carpenteria, Dana Point, Del Ray Oaks, El Cerrito, Emeryville, Fairfax, Foster City, Fremont, Half Moon Bay, Hayward, Hercules, Hermosa Beach, Huntington Beach, Laguna Beach, Laguna Hills, Laguna Woods, Livermore, Los Altos Hills, Los Angeles County, Los Gatos, Malibu, Manhattan Beach, Marin County, Marina, Menlo Park, Millbrae, Mill Vallet, Monterey City, Monterey County, Morgan Hill, Newport Beach, Novato, Oakland, Orange, Orange County, Pacific Grove, Pacifica, Palo Alto, Pittsburg, Pleasenton, Portola Valley, Redwood City, Richmond, Riverbank, Salinas, San Bruno, San Carlos, San Clemente, San Francisco, San Jose, San Juan Capistrano, San Leandro, San Mateo City, San Mateo County, San Rafael, Santa Clara City, Santa Clara County, Santa Cruz City, Santa Cruz County, Santa Monica, Sausalito, Scotts Valley, Seaside, South San Francisco, Sonoma County, Sunnyvale, Ventura County, Watsonville, West Hollywood, Yountville)

Nos comportements et habitudes doivent changer
Que chaque citoyen-ne, à son niveau de responsabilité et d’influence :

• Refuse les contenants en polystyrène et se montre exemplaire
• Utilise une boîte à repas (cantine) et un bidon lavables et réutilisables à l’infini
• Informe son entourage familial, amical et professionnel des méfaits du polystyrène
• Interdise l’usage du styrofoam dans son entourage, dans les établissements publics et les entreprises privées dont il/elle la charge, sur les territoires qu’il/elle gère
• Fasse preuve de cohérence en paroles et en actions (il n’est pas concevable d’animer une formation sur la gestion des risques et désastres ou sur la santé publique en utilisant des ustensiles en styrofoam. Il n’y a pas d’action de développement avec du styrofoam)
• Intègre une clause environnementale dans les contrats qu’il/elle signe avec un opérateur ou un prestataire de service
• Assume ses responsabilités pour l’application de l’arrêté ministériel du 10 juillet 2013
• Signe et partage la pétition pour le bannissement du styrofoam en Haïti