Nou tout se Ayisyen
Par David Tilus, citoyen
Dernièrement, en fin d’après-midi, je me suis retrouvé pris au piège dans un embouteillage monstre au niveau du Carrefour Vincent. Evènement somme toute relativement anodin et habituel pour qui habite dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Un pick-up bleu dépasse alors notre voie par la gauche et se retrouve face à un de ces grands bus jaunes qui desservent la zone, chargé des travailleur-euses du parc industriel de la SONAPI [[Société Nationale des Parcs Industriels]]. Là encore, rien d’exceptionnel ; c’est un comportement assez répandu. A grand renfort d’intimidation, par des accélérations par saccades et des coups de klaxon, le chauffard du pick-up force le chauffeur devant moi à le laisser réintégrer notre voie. Comme dernier argument, implacable, le passager du pick-up eut à scander au chauffeur me précédant : Nou tout se Ayisyen !
Nou tout se Ayisyen. Quand bien même nous serions tous Haïtien-nes, est-ce que cela fait de nous tous des tricheur-euses ? Le syllogisme [[Je suis Haïtien-ne (A) et je triche (B). Tu es Haïtien-ne, comme moi (A=C), donc tu triches aussi (B=C).]] est totalement absurde ! La fraude et la triche ne sont pas des traits culturels haïtiens ; malgré ce que certains médias ou mauvaises langues voudraient laisser croire.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! [[Nous sommes tous Haïtien-nes mais nous sommes différent-es.]]Quand certain-nes Haïtien-nes se permettent de franchir la ligne médiane, d’autres choisissent de respecter (tant bien que mal) les reliquats de code de la route et de courtoisie.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-nes Haïtien-nes enlèvent, tuent ou violent, d’autres choisissent le bien et croient dans la morale malgré tout.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes pillent ou sont complices du pillage internationalisé des ressources de l’Etat et du pays, des citoyen-nes assument leur devoir juridique et payent leurs impôts.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes exploitent les plus vulnérables d’entre nous, d’autres s’acharnent à défendre les droits humains les plus fondamentaux.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes détruisent le patrimoine culturel et naturel d’Haïti par ignorance, par méchanceté ou par profit, d’autres s’évertuent à éduquer, informer et protéger.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes font l’apologie de l’immoralité et de la décadence, d’autres dénoncent avec force la médiocratie et la vulgarité.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes préfèrent oublier, d’autres perpétuent la mémoire collective.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes dénigrent leur propre patrie, d’autres rappellent la grandeur de la nation.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes ont honte de leurs origines, d’autres les revendiquent bien haut.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes s’enlisent dans la merde et la crasse, d’autres nettoient les esprits et les corps.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes partent, d’autres restent.
Nou tout se Ayisyen men nou tout pa menm ! Quand certain-es Haïtien-nes se taisent, d’autres parlent.
C’est une minorité d’entelijan [[ Roublards, rusés]]qui veulent arriver vite et loin à tout prix, qui domine Haïti. En nous mettant tous dans le même panier, on étouffe les personnalités intègres et droites. On les noie dans la masse informe des malhonnêtes et des corrompu-es. Ce qui fait bien l’affaire de certains médias et autres mauvaises langues pour qui tous les Haïtien-nes se valent et surtout ne valent rien (ou pas grand-chose). A petit feu, c’est toute la grandeur de l’Histoire d’Haïti et la beauté de la culture haïtienne qui sont ainsi écorchées pour arriver au bout du compte à se renier soi-même.
Soyons fiers d’être Haïtien-nes, soyons fiers d’être différent-es !