Au commencement, le GAFE, c’est la rencontre de trois personnes : une Française, un Canadien et un Haïtien, persuadés que le développement peut se concevoir et se faire autrement, se penser et se faire AVEC et non seulement POUR. Cette rencontre, elle s’est faite en Haïti, alors vivable, où l’insécurité était plus un sentiment qu’une réalité omniprésente.
Au fil des années, des projets et des rencontres, le GAFE assoie sa crédibilité sur son intégrité dans la réalisation des actions ; une organisation empreinte de valeurs et de principes. Il est devenu une philosophie qui fédère des citoyen-nes de tous âges, de toutes catégories, de tous milieux pour une transformation sociale radicale.
Depuis le début la transformation sociale est la raison d’être du GAFE mais elle n’a jamais pris autant de sens qu’actuellement, alors qu’Haïti est devenue une anomie caractérisée par des institutions publiques dysfonctionnelles et des citoyen-nes livré-es à eux-mêmes.
En 20 ans, le GAFE a été témoin d’évènements majeurs, qui ont profondément perturbé les équilibres sociaux et naturels. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 a endeuillé tout un peuple mais aussi notre équipe. Notre bureau a été impacté au point de devoir le quitter. C’est alors qu’il a ouvert à Fermathe, en périphérie de Port-au-Prince, capitale devenue hors de prix, réservée aux organisations les mieux nanties. Le tremblement de terre n’a pas été qu’une catastrophe humaine, il a marqué la dérive humanitaire qui a fait des agences internationales les maitres des clés du pays, écartant les Haïtien-nes et excluant les organisations nationales et locales. L’assistanat et la corruption se sont insinués au plus profond d’un système déjà perverti. Surtout, le tremblement de terre aurait pu être une formidable opportunité pour la décentralisation. Malheureusement là encore les intérêts mesquins d’un petit clan ont prévalu sur l’intérêt commun.
La descente aux enfers s’est accélérée ces dernières années, marquée par l’incompétence, la corruption, l’impunité et l’immoralité. Le pays est devenu sale ; sale physiquement avec ces masses de déchets omniprésents, mais surtout sale politiquement et économiquement quand un petit clan s’enrichit du malheur des plus vulnérables.
Depuis 2018, nous assistons à l’effondrement total des institutions démocratiques et un déni démocratique, avec la complaisance et la connivence de l’International. Les gangs ont pris le pouvoir et le peuple en otage.
La démocratie d’en-haut, ce modèle universel de gouvernance, est en faillite.
Dans le contexte haïtien actuel, il s’agit de considérer l’effondrement du système politique comme une opportunité de construire l’avenir malgré tout. A nous, citoyen-nes de revendiquer la place qui nous revient et de proposer un nouveau contrat social, un pacte pour la transition écologique et sociale en Haïti. Le GAFE poursuivra son engagement, tant que ses forces lui permettront, pour le climat et pour « la conquête de la citoyenneté [qui] s’appuie sur une prise de parole en tant qu’acte, laquelle dépasse la vie personnelle ou laborieuse pour investir l’espace public » Hansotte (2021).
C’est le pari que relève le GAFE ; de (re)donner de l’espoir à une jeunesse en manque de repères dans une société moderne qui va toujours plus vite ; de lui redonner le goût du beau et du rêve car, pour reprendre Elisée Reclus « là où le sol s’est enlaidi, là où toute poésie a disparu du langage, les imaginations s’éteignent, les esprits s’appauvrissent, la routine et la servilité s’emparent des âmes et les disposent à la torpeur et à la mort ».
A vous toutes et tous, militant-es, collègues, ami-es et sympathisant-es, le GAFE salue votre courage et votre dévouement. La lutte pour le climat et la vraie démocratie n’est pas vaine, elle est noble et elle est juste. Nous ne cèderons pas à l’inertie, à l’abandon, à la morosité ou à l’anxiété. Non ! Nous mettrons toutes nos forces dans un engagement individuel et surtout collectif pour retrouver notre pouvoir-agir et proposer ensemble un nouveau modèle de société basé non plus sur le matérialisme et l’individualisme mais sur la solidarité, la sobriété et l’humilité.
Kenbe la kamarad, pa lage !
David Tilus
Membre fondateur du GAFE